Dessins : Noémie Marmorat Texte : VAGO

Aperçue à l’Image, exposition d’art organisée à Bordeaux par nos amis de Wine & Water, nous avons découvert Noémie et ses dessins. Les œuvres signées Gasoline M.A.A.B ont retenu notre attention, et après quelques mois à suivre ses aventures sur les réseaux, nous avons souhaité discuter pour en savoir un peu plus à propos de l’artiste.


VAGO – Salut Noémie ! Peux-tu nous raconter la genèse de ton projet ?

Noémie – Salut ! A la base je suis designer produit, j’ai été diplômée il y a un an et demi puis j’ai bossé quelques mois dans une entreprise de design. En parallèle, la passion du dessin qui m’anime depuis toute petite m’a permis de rebondir, et je me suis mise à mon compte dans le dessin des sports mécaniques, avec l’idée de vivre de mes deux passions.

V – C’est courageux de se lancer dans ce genre d’aventure. Il y a eu un élément déclencheur ?

N – Forcément ! Pour la petite histoire, je suis issue d’une famille de motards et c’est mon frère jumeau qui m’a demandé de dessiner sa première moto, il y a un an. Je n’avais jamais dessiné de véhicules auparavant, et par ma formation j’étais plus habituée à dessiner des objets. J’ai relevé le défi, et j’ai dessiné sa Kawa’ Ninja 300. Le résultat me plaisait, alors je l’ai posté sur les réseaux et suite aux retours encourageants j’ai réalisé deux ou trois autres modèles. Après ça, les gens ont commencé à me passer commande, ça m’a mis la puce à l’oreille. Sans les réseaux et la communication que ça amène je n’aurais surement pas sauté le pas : la majorité de mes commandes passent par Instagram, et ça m’aide à développer mon activité à l’étranger.

V – Si on comprend bien, tu réalises essentiellement des commandes ?

N – C’est ça, je ne fais pratiquement que des commandes. C’est aussi pour ça que chaque dessin est original. Je pars du principe que chaque machine, que ça soit une moto ou une voiture, est unique. De ce constat, chaque œuvre représentant le modèle doit l’être. Ça lui donne plus de valeur sentimentale car on obtient un bien unique. Pour le moment j’ai expérimenté la reproduction  uniquement suite à des demandes sur le portrait d’Ayrton Senna, car ce n’était pas une commande.

V – Alors, il t’arrive de faire des dessins de manière spontanée ?

N – En fait la plupart des portraits que je réalise vienne de ma propre volonté, en fonction de mes envies ou de l’actualité. Mes dessins sont couchés sur un format A3, j’explore d’autre taille et ça aussi c’est spontané. Par exemple, pour la Ducati réalisée en diptyque j’ai pensé que ça pourrait rendre quelque chose de sympa en décoration d’intérieur. Lors d’événements, il arrive aussi qu’on me fasse remarquer que je n’ai pas fait tel ou tel modèle et c’est après que je me lance.

V – Tu parlais de format, ça soulève un point technique ! Tu utilises les mêmes techniques que dans ton métier de designer ?

N – La plupart des dessinateurs réalise les œuvres avec de la peinture, alors j’ai gardé la technique de designer, c’est ce qui donne un style particulier à mes travaux. J’utilise des Promarker, avec lesquels j’ai toujours dessiné. Depuis peu j’ai découvert les Posca, et j’expérimente un mélange de techniques. A terme, ça pourrait me permettre d’évoluer vers d’autres formats ou d’autres modèles.

V – Ce qui nous impressionne beaucoup ce sont les détails sur les portraits. Un être humain est plus organique qu’une machine, ça te plait ?

N – Oui ça me plait, mais pourtant j’ai toujours détesté ça. [rire] En fait, pour dessiner un objet, on réalise des traits fermés, alors que pour un humain la majorité des lignes sont ouvertes et souples. En début d’année on m’a beaucoup sollicitée pour des portraits et j’ai pris ça comme un nouveau défi. Je n’avais rien à perdre, alors je me suis lancée avec Steve McQueen, à partir d’une photo tirée du film Le Mans. La première chose à faire c’était de capter le regard, après c’est allé tout seul. Le plus dur quand tu choisis un pilote, c’est d’avoir une bonne qualité de photo pour pouvoir zoomer un maximum sur les détails, et c’est ce qui est toujours compliqué quand on travaille sur des personnes de l’autre siècle. Tu ne peux pas te permettre d’inventer des traits sous peine de changer la personne.

V – Récemment, tu as été invitée par Kawazaki au Café Racer Festival ?

N – Oui, j’ai animé leur stand, c’était cool ! C’est grâce à un article dans Moto Heroes qu’ils m’ont contactée. J’adore les événements, ça me permet de discuter avec les personnes qui passent par-là, et quand on est invité par une marque, ça permet d’en apprendre un peu plus sur les histoires qui lui sont liées. Les gens n’hésitent pas à donner leur avis sur mon travail, c’est direct et sans filtres. Dessiner devant des inconnus n’est pas un exercice aisé, alors je crayonne toujours le modèle avant, je me prépare et ça me permet d’avancer sur la partie la plus visible du dessin lors de l’événement. Par exemple j’ai commencé la GPZ de Top Gun, et je la finirai plus tard puisqu’elle a trouvé preneur lors du festival.

V – Justement, quand tu croises des gens, quelle est la question la plus posée ?

N – Au 24h du Mans, alors que je dessinais devant les visiteurs, on m’a beaucoup demandé si les œuvres étaient de moi… Je pense que le problème vient du fait que je n’ai pas la tête commune d’un amateur de sport mécanique lambda. (rire) Les gens me demandent aussi beaucoup si j’ai fait une formation. Alors forcément, mes études m’ont permis d’adopter une technique, mais quand les enfants me posent cette question je réponds qu’il faut dessiner depuis tout petit, et surtout ne pas s’arrêter dans la période collège/lycée où la plupart des jeunes posent le crayon : c’est quand on est adolescent qu’on progresse le plus.

V – Tout à l’heure, tu nous disais venir d’une famille de motards, et ton frère à une moto moderne. Pourtant tu dessines beaucoup de choses classiques, pourquoi ?

N – Quand j’ai commencé à dessiner à forte cadence, j’ai exposé sur beaucoup d’événements mettant en avant des classiques. Alors je me suis lancée vers ce style, et au final ce n’est pas pour me déplaire ! Les formes sont chouettes, il y a plus de cachet dans l’ancien. Puis c’est mythique. Je ne choisis pas forcément les modèles des commandes, donc j’apprends toujours sur les marques, les histoires des propriétaires. Plus la machine a du vécu, plus il y a à dire et ça m’aide à dessiner, ça peut même influencer mon coup de crayon !

V – Aujourd’hui tu dessines des voitures et des bécanes. Tu te verrais évoluer vers autres choses ?

N – La suite sera des avions et des bateaux, en complément de ce que je fais déjà. Peu de gens le savent, mais M.A.A.B. sont les initiales pour “Moto Automobile Avion Bateau”. Ça sera un défi technique car il faut que je trouve comment représenter quelques éléments de décors, comme l’eau par exemple. On m’a déjà demandé de dessiner des animaux, mais c’est pas mon truc. Je me concentre sur la mécanique pour bien maîtriser le sujet. Je suis assez maniaque et précise, et les sports mécaniques me permettent vraiment de m’épanouir. Je préfère dessiner une moto sans carénages par exemple, car il y a une foultitude de détails ! Sur les derniers événements des préparateurs m’ont demandé si je pouvais dessiner des projets, un jour peut-être, mais c’est encore trop tôt. Quand tu es designer tu peux faire 1000 idées, tu sais qu’il y en a une qui va sortir du lot. Mais en prépa moto, le mec a déjà une idée derrière la tête et le dessin permettra la validation. Il n’y a pas forcément de place pour la liberté de l’imagination comme on pourrait le croire.

V – En complément des œuvres, tu n’as pas envie de faire des produits dérivés avec tes dessins ?

N – Oh non ! Ça enlèverait la beauté d’un dessin unique. On m’a déjà demandé pourquoi je ne fais pas de numérique, mais ça enlève le côté humain, brut et matériel. Le défaut d’un trait donne du caractère au dessin. Je ne suis pas une grande fan des reproductions, impressions et ce genre de choses. Concernant certains dessins, on m’a demandé de les acheter 200 fois, mais je refuse. Je pourrais aussi repartir de la même photo pour reproduire, mais ce n’est pas intéressant, il n’y a plus la surprise du rendu final. Mes dessins ont une vraie valeur humaine, c’est à la main et unique.

V – Pour avoir des idées, où puises-tu ton inspiration ?

N – Je suis beaucoup de monde sur Instagram, dont des designers. Je regarde beaucoup les croquis, leurs façons de faire. Ça m’inspire énormément. Si on prend un peu de recul, on peut dire que je regarde les travaux des gens qui dessinent des motos de demain pour dessiner les motos d’hier. C’est contradictoire. (rire) Je regarde les traits de crayons. Pour imager, ça me permet de ne pas dessiner que des motos de profil, de pouvoir faire de la perspective.

V – Il y a l’exemple dans tes réalisations, une auto de course noire, on dirait une photo capturée au grand angle

N – Vous parlez de la Rondeau M379 ? C’est un bon exemple de perspective. La complexité de ce dessin se situe aussi au niveau des couleurs. Ce n’est pas évident de faire du noir ou du blanc, c’est même le plus compliqué. Les autres couleurs permettent de faire des nuances plus facilement, alors que le noir devient vite gris quand on réalise les ombres. J’utilise alors des crayons noir et blanc ou, depuis quelques mois, c’est là que le Posca m’aide beaucoup ! Ça apporte de la profondeur, des reliefs. Ça apporte aussi un côté très dessin et ça gomme un peu l’aspect réaliste. C’est compliqué, mais pourtant la colorisation c’est ce que je préfère… Encore une contradiction ! (rire)

V – Au-delà des dessins, il y a des choses qui t’inspirent ?

N – J’écoute beaucoup de musique, mais je n’arrive pas à relier ça au sport mécanique. Par contre le cinéma, c’est une source de connaissances et d’inspiration. Dans les films il y a toujours une moto ou une voiture qui permet d’identifier une époque ou un caractère. Ça permet aussi de marquer les gens, ça parle à plus de monde car le cinéma est porteur d’émotions. On y revient, mais le portrait de Steve McQueen parle beaucoup plus au gens que celui de Niki Lauda, sur les manifestations les gens parlent toujours autour de ce portrait.

V – Et plus personnellement, le fait que tu vives de ta passion t’influence ?

N – Oui forcément. Ça fait un parallèle avec ce qu’on disait avant, mais je choisis des portraits qui me plaisent et qui impactent les gens. Il est important pour moi d’élargir ma communauté. Aussi, quand je collabore avec des marques, je suis forcément obligée de faire des modèles qui collent avec la gamme. Sur les réseaux je ne montre pas l’étendue de ce que je fais, mais il m’arrive d’avoir des commandes un peu hors du commun.

V – Si nos lecteurs sont sous le charme de ton travail, où peut-on se procurer tes dessins et te rencontrer ?

N – Cet été je me concentre uniquement sur les commandes que j’ai, mais je repars de plus belle à la rentrée de Septembre ! Je serais présente en septembre au Dandy Rider Festival, en octobre au Midnight à Paris et d’autres dates que je communiquerai bientôt sur les réseaux. Pour passer commande, j’ai un site internet, Instagram et une page Facebook. Comme je disais tout à l’heure, chaque dessin est unique, je ne fais pas de reproduction. Il y a une vraie affection à la qualité, et les tarifs permettent de se faire plaisir ou de faire plaisir lors d’une bonne occasion ! 

V – Pour finir, la traditionnelle question : as-tu une définition de la VAGO ?

N – Oulalala ! [Pause réflexion] Ce n’est pas évident, mais pour moi ça doit être quelque-chose de cool, une machine qui ne prend pas la tête et avec laquelle on se sent bien !  

Vous pouvez retrouver le travail de Noémie sur son site internet et sur Instagram.