Texte & Photos : Tom Tubiana

Si certains y voient une référence, pour le moins subtile, au dernier show Netflix à la mode, il n’en est rien. J’ai envisagé ce titre dès mes premières discussions avec Paul. C’est une collègue qui me parle de lui pour la première fois lors d’un déjeuner d’un lundi comme un autre. Elle revient d’un mariage où elle a croisé une vieille connaissance qui était pour l’occasion venue avec sa rutilante Camaro. La voiture lui tape dans l’œil, elle ne tarde pas à me montrer quelques photos.

Après quelques messages Instagram, Paul accepte sans hésiter mon invitation pour faire quelques images de sa belle Américaine. Nous sommes alors en plein confinement, le premier, et l’idée pour cette session était assez simple : visiter tous les lieux iconiques de la capitale du point de vue d’un américain. La suite ne se déroulera pas comme prévu.

Le rendez-vous est donné, nous sommes le premier dimanche post confinement et je retrouve Paul devant chez lui. La première étape du jour, le quai du Port Debilly qui offre une vue imprenable sur la tour Eiffel. Lorsqu’on arrive sur place, le quai est bondé et le parking que l’on visait est en travaux. On ne s’attarde pas, direction le Trocadéro. Là encore, nous espérions sincèrement ne croiser personne et profiter du Paris vide que l’on a connu les semaines précédentes. C’est un échec sur toute la ligne, mon optimisme m’a clairement fait défaut.

Le temps presse, le soleil commence à se coucher et révèle toutes ses couleurs. On prend rapidement la direction de la Concorde dans l’optique de sécuriser quelques photos. C’est à ce moment-là que Paul m’avertit pour la première fois « je suis sur la réserve ». Sur le chemin, on passe devant quelques pompes à essence, mais elles sont toutes fermées.

De son côté, Paul a toujours eu un attrait particulier pour les Américaines qui a commencé avec la Dodge Viper RT/10 Concept des années 90. Mais c’est quand un pote craque pour une Mustang de 68 qu’il décide de franchir le cap. Après des mois de recherche sur LeBonCoin, il finit par rentrer en contact avec une connaissance de son père qui importe des véhicules des USA. C’est à ce moment-là qu’il trouve son bonheur : une Chevrolet Camaro SS 350 de 1967 à un prix raisonnable et en bon état. Après une visite de contrôle directement aux États-Unis par un autre ami, la voiture embarque direction le Havre.

J’attends la fameuse Golden Hour, lorsque Paul vient me voir. Il est inquiet pour l’essence, il ne lui reste qu’une dizaine de kilomètres avant la panne sèche et toutes les pompes semblent fermées. Il en trouve une, il file en vitesse pendant que je reste sur place.

L’heure tourne, la lumière tombe et je n’ai toujours pas de nouvelles de lui. Finalement Paul m’appelle, il est en rade dans une rue parallèle aux Champs-Élysées, sans solution. Je finis par le retrouver en Vélib. Il nous reste une chance pour arriver à une station avant la panne sèche. Il y a un Total sous les champs, mais nous n’arrivons pas à les contacter. Je reprends mon vélo pour y aller et pour mon plus grand bonheur, il est ouvert. Paul me rejoint, il fait maintenant nuit et après cette fin heureuse, nous rentrons. Ce n’est que partie remise.

Les vacances d’été sont passées quand nous réussissons à trouver une nouvelle date dans notre emploi du temps. Impossible de rester sur cet échec. Cette fois, je retrouve Paul au Sacré-Cœur, un samedi matin à 5h30. À part quelques fêtards un peu dans le dur, nous sommes seuls pour profiter du lever de soleil dans ce coin si prisé des touristes. Touristes qui malheureusement, brillent par leur absence cet été 2020. Nous avons enfin la photo que nous étions venu chercher. Après un petit tour du quartier, pendant lequel on nous reprochera le vrombissement du V8 de la Camaro, si tôt le matin, il est temps de rentrer. On partage un dernier café ensemble pendant lequel, le barman pose mille questions à Paul qui lui refait l’historique de la voiture. De l’installation de 4 freins à disque aux interrogations récurrentes sur la consommation et sur la facilité à faire un créneau. Si elle n’est pas toujours évidente à manœuvrer, Paul ne regrette pas ce choix. Rien ne remplacera, le V8 5,7 L qui te gueule dans les oreilles à chaque démarrage à froid, l’odeur de l’essence et le couple phénoménal qui te provoque des frissons à chaque accélération.

Et si c’était ça l’Amérique ?