
Un rendez-vous sur une des plages mythiques du D-Day de Juin 44, le tout avec des machines qui ont, pour certaines, probablement débarqué sur cette même plage 75 ans plus tôt, c’est du jamais vu en France. C’est pourtant le pari de la Normandy Beach Race, première du nom. Si les premières éditions d’un événement peuvent rencontrer quelques déboires, alors un trip à l’autre bout de la France vaut-il le coup ? Sera-t-il un fiasco ? Va-t-on rater un moment qui rentrera dans l’histoire ? Les enjeux sont importants, en cas d’échec, cet instant demeurera unique. Mais si c’est un succès, il posera un précédent pour de futures éditions, à Ouistreham, ou même ailleurs en France. Je me prends déjà à imaginer un championnat à la Sultans of Sprint sur le sable… Allez, j’y vais. On verra bien.
Sur la route, le vendredi après-midi, même à quelques kilomètres de la petite ville côtière, rien ne présage d’un gros événement. En arrivant au cœur du bourg, on découvre une vingtaine d’engins garés, tel le rassemblement mensuel d’un club local sur la place de l’église.
Mais l’ambiance est là. Ça vient des quatre coins de l’Europe, et même Outre-atlantique. On retrouve des vieux amis, on en rencontre d’autres. Vers 17h, pilotes et journalistes descendent à pied vers le petit cinéma de Ouistreham, Le Cabieu, transformé en salle de briefing.
On en apprend alors un peu plus: 80 participants sélectionnés pour plus de 300 candidatures, provenant de 14 pays, sur des machines pré-1947 et dont la plus âgée est une moto de 1912. Les organisateurs sont cependant très clairs sur un point: Aucune compétition, pas de chrono, pas de vitesse enregistrée; seulement du fun.
Samedi matin. 7h15.
Le soleil se lève doucement sur Ouistreham et les premiers véhicules se dirigent vers le point de rendez-vous place Alfred Thomas, juste à côté de la plage encore vide. Ici rares sont les « trailer-queens », certains sont même venus par la route avec leurs Hot-Rod depuis la Suisse. Les autres ne pouvaient sûrement juste pas être homologués pour la route, comme les fameux « Belly-tank racers » ou encore l’OVNI sans ailes, mais bien à moteur à hélice, «l’Aerofilafon»
Finalement, avec un peu de retard l’ordre de départ pour la plage est donné. Les pilotes rejoignent leur machines, le silence du petit matin fait place aux moteurs en échappement libre. Un cortège se forme et avance doucement. Après un passage devant le monument de commémoration du Débarquement, les pilotes arrivent à la piste puis au paddock, où les premiers badauds attendent déjà.
« Aucune compétition, pas de chrono, pas de vitesse enregistrée; seulement du fun. »
Sur la ligne de départ, les organisateurs en tenue d’époque livrent leur speech, et les courses peuvent réellement commencer. Même s’il est rappelé que ce n’est pas une compétition, on voit sur les visages qu’ils sont là pour en découdre.
Les runs s’enchainent dans un nuage de poussière de sable blanc et sous un soleil de plomb, avec en arrière fond les meilleurs sons des fifties dans les speakers. Les pilotes et leurs machines âgées parfois de plus d’un siècle ne fatiguent pas et roulent comme à la première heure. Même les rares problèmes mécaniques n’entacheront pas la bonne ambiance, qui se propage au public, de plus en plus nombreux au fil de la journée, et dont un grand nombre a fait le déplacement avec de somptueuses machines.
C’est ce qu’on retiendra de cette première édition de la Normandy Beach Race: une bonne ambiance. Chez les pilotes, comme les photographes, ou le public, les avis sont unanimes: le pari est réussi. Ce fut un véritable succès, avec même le soutien total du Maire de Ouistreham qui espère d’ailleurs pouvoir accueillir les prochaines éditions… Le voyage dans le temps se termine doucement. On repart avec des étoiles (et un peu de poussière) plein les yeux. C’est décidé, la prochaine fois, pas de bus ou de train, mais c’est avec plaisir que j’emmènerai ma brêle rouiller un peu plus dans les embruns de la Manche.